Nymphomaniac

Lars Von Trier est pour moi un réalisateur intéressant. Toujours en recherche formelle, hors des sentiers battus, assez brut, mal dégrossi, prenant de grands chevaux, parvenant finalement à toucher une certaine grâce. Je n’aime pas tous ses films. Les Idiots et Dogville m’avaient plu. Antichrist (2009) est quand même un sacré morceau. Melancholia (2011) a réussi à me toucher, en matérialisant une fin du monde, lueur de génie d’un réalisateur torturé et dépressif. "Et la suite ?" m’étais-je demandé.

Hé bien la suite parle de la nymphomanie. Questionnements de Lars Von Trier ? Volonté de parler d’un extrême, de raconter une histoire ?

Cette première partie raconte quelques moments de la vie sexuelle de Joe (incroyable Stacy Martin), une jeune fille complexe et désincarnée. Plusieurs chapitres, plusieurs histoires racontées par la même Joe quelques années plus tard (Charlotte Gainsbourg) à une oreille compréhensive en la personne de Seligman qui s’amuse de faire des comparaisons de la chasse de la nymphomane avec différentes techniques de pêche (j’avoue, cela m’a fait plus halluciner que tout le reste).

Joe perd sa virginité, Joe fait un jeu avec une amie pour savoir qui va se taper le plus de mecs dans le train (pour avoir un paquet de bonbons : zéro moralité), Joe enchaîne les amants, Joe tombe amoureuse de son patron. Toutes ces situations trouvent un écho dans sa vie familiale, avec point central l’éducation puis la mort de son père. Joe se raconte plus tard comme une "mauvaise personne" et Seligman de relativiser et d’établir un dialogue avec la personne meurtrie.

Nymphomaniac, contrairement à ce que voudraient faire croire certains médias n’est pas un film porno. Ni un film moralisateur. C’est la mise en abîme de la psyche d’une femme qui se sert de son corps et de ses sens pour éprouver du plaisir, et qui, et c’est là que se développe la maladie, s’en sert comme échappatoire et unique moyen d’expression, sans se soucier un tant soi peu des autres.

Certaines visions poétiques, certaines séquences brutes ou histoires incroyables (comme la séquence avec Uma Thurman), jusqu’aux séquences dures et touchantes familiales, toutes sont transportées par le style et la volonté de Lars Von Trier.

La jeune Stacy Martin vole largement la vedette à Charlotte Gainsbourg (qui ici ne fait que raconter son histoire, on la verra dans le volume 2) et émerveille par son visage singulier, ses yeux immenses, ses tâches de rousseur, son corps filiforme et son mimétisme avec Charlotte Gainsbourg.

Si le volume 2 (dont on peut voir une bande-annonce au générique) ne fait que raconter les étapes successives de sa déchéance, cela risque vite de tourner en rond. On verra. Dans la forme, difficile d’accepter une coupe en deux films tant le procédé est maladroit. Un panneau en début de film signale que le film a été recoupé contre l’avis de Lars Von Trier mais reste malheureusement assez vague.

Suite, après le visionnage du film 2 :

Voilà déjà un mois que j’ai vu la deuxième partie. Mon esprit a déjà à peu près tout oublié. Effort de mémoire. Le film présente la progression psychologique et physique de Joe dans la perversion. Séquences coquasses, dures, séduisantes, déconnectées, choquantes s’alternent dans ce foutoir qui arrive tout de même à se tenir autour de son personnage.

Un séquence fait presque le lien avec "Antichrist", ce qui occasionne une satisfaction intellectuelle certaine.

Le final est profondément décevant, humainement parlant. Ce qui a eu pour effet de totalement désamorcer l’énergie produite par le film. Une sorte de suicide narratif de la part de Lars Von Trier, qui n’est pas à une image près.

J’ai donc préféré le premier film. A voir si une version complète remontée passerait mieux, mais bon, là c’est refaire le monde.