Le Tableau est le quatrième long-métrage de Jean-François Laguionie (après Gwen et le Livre de sable en 1985, Le Château des singes en 1999 et L’Île de Black Mór en 2004).
Jean-François Laguionie qui pendant vingt ans a d’abord réalisé des court-métrages est un des rares réalisateurs régulièrement en activité qui ait su mener son œuvre pendant toutes ces années. Paul Grimault (le Roi et l’Oiseau) fut son premier mentor, d’où un certain style, à la fois technique et narratif, à forte licence poétique.
Si Gwen ou le Livre de sable ou La demoiselle et le violoncelliste, son premier court sont des classiques, ses films suivants sont autant de gouttes d’eau dans l’océan impitoyable du cinéma d’animation emmené par les films Disney, puis leur propre concurrence.
Certains films sont jolis, d’autres maladroits comme Le Château des singes pour ne citer que lui. C’est sans doute pour cette raison que je ne m’étais pas rendu aux projections de l’île de Black Mor.
Peut-être est-ce son thème, son tableau emblématique, qui m’a donné envie de voir ce nouveau film. Peut-être aussi est-ce le ras-le-bol des dernières productions animées formatées qui m’a donné envie de voir autre chose, cet autre chose que je sais Laguionie être capable de nous offrir.
Le Tableau commence comme une jolie fable qui joue sur les étapes de fabrication d’un dessin. Du croquis au dessin en cours puis fini, ces étapes donnent vie à des personnages d’un tableau. Des groupes se forment et les terminés vivent dans le luxe tout en rejetant les "pas finis". Et ne parlons pas des "roughts" qui sont en bas de l’échelle. Sans que ce contexte social ne soit pesant, la poésie et une quête prennent le dessus. Voilà des personnages partis pour demander des comptes à leur créateur, qui se trouve forcément en dehors du tableau, ce qui les obligera à passer d’une toile à une autre...
Toute en douceur, l’intrigue reste simple, limpide, avec des personnalités exemptes de vulgarité qui expriment leur intelligence et leur sensibilité avec leurs paroles. Cela fait du bien à l’âme à une heure où la surenchère et la bêtise sont devenues la norme.
Dans la salle, les petites filles aiment les histoires d’amour qui sonnent vraies, les petits garçons s’entretiennent de leur ennui convenu, c’est vrai, "c’est pas le chat potté quoi", les adultes sourient devant la sensibilité, la malice du cadre de cette histoire.
Un mot sur la technique : les personnages du film sont en 3D. Cela se voit puis s’oublie. La finition n’est pas totale, mais le style est là. Nous nageons dans des peintures numériques animées. Les décors sont comme ces beaux croquis de préparation que vous voyez dans les livres de recherche des grands films de studios avant d’être "affinés" et de perdre leur énergie brute. Ici nous sommes dans un grand merveilleux premier jet qui nous séduit et nous aspire. La 2D n’est pas en reste au travers de séquences de rêve. Quant au reste, je vous laisse la surprise.
Assurément un beau film.
Sorti le 23 novembre 2011.
Voir en ligne : Le Tableau, Le film